Adrien Zeller me passe un savon !

Adrien Zeller

Dans les tous derniers jours d’avril on me fit savoir que le président Zeller désirait me rencontrer. Je me rendis dans son bureau accompagné du directeur et du directeur adjoint du CESA, en la présence du directeur général des services de la Région 1.
Adrien Zeller paraissait un peu énervé et arpentait son bureau de long en large à grandes enjambées tout en parlant.
Son propos consistait à vouloir démontrer qu’en France comme en Allemagne nous avions le même nombre d’échelons 2 et que par conséquent vouloir en supprimer un n’avait pas de sens. Je n’étais pas d’accord avec lui. Je me servais de ses propres arguments parfaitement détaillés dans son ouvrage 3.
J’essayai d’expliquer mon point de vue qui était d’ailleurs désormais aussi celui des membres de la commission gouvernance en lui démontrant que notre démarche était propre à l’Alsace (une Région avec seulement deux Départements), que nous n’avions pas de niveaux de compétences comme en Allemagne mais des collectivités toutes sur un même plan et disposant à l’époque de la compétence générale, ce qui de mon point de vue entraînait une véritable cacophonie et un enchevêtrement de compétences. J’étais très prudent dans mes propos car je m’adressais au co-président de l’Institut de la décentralisation. J’étais confiant dans mes affirmations grâce à ma formation 4 et au fait que j’avais énormément étudié et lu sur le sujet.
Concernant le Land allemand, je lui ai dit que les Länder étaient des États fédérés qui partagent la souveraineté étatique avec l’État fédéral et que quand les Allemands parlent de l’État, ils parlent de leur Land ; comparer les Länder aux Régions françaises n’avait aucun sens car ce n’étaient pas des collectivités locales 5.
Mais tout cela il le savait, bien entendu, et je prenais son attitude comme un angle d’attaque pour enfoncer un coin dans notre dernière version du projet d’avis dont il avait très certainement déjà pris connaissance. Cela ressemblait vraiment à une entreprise de déstabilisation.
Quand Adrien Zeller avait des convictions profondes, il les exprimait « cash » et sans retenue, parfois avec véhémence mais toujours dans le respect et l’écoute de l’autre. C’était pour lui un échange de points de vue qui ne portait pas à conséquence.
Il ne se rendait peut-être pas bien compte que sa stature, son statut et le ton qu’il employait pouvaient être particulièrement intimidants pour moi. J’avais la nette impression d’être l’élève face au professeur qui lui faisait la leçon.
Pourquoi faire un tel cas du travail d’une commission du CESA qui après tout n’était qu’une assemblée consultative dont les avis n’avaient aucun caractère obligatoire ? Le sujet tenait particulièrement à cœur à Adrien Zeller et il sentait que nous allions mettre les pieds dans le plat sur un thème qu’il ne partageait pas. Peut-être cela dérangeait-il son activité de président de Région car il se doutait bien qu’un débat allait s’ouvrir entre hommes politiques alsaciens et que chacun allait devoir se positionner par rapport à notre avis ?
Je n’ai pas les réponses, toujours est-il que cet échange m’a beaucoup marqué et impressionné mais pas déstabilisé. Nous avons été les deux seuls à échanger lors de cet entretien puis nous en sommes restés là.

Notes

[1] : François Bouchard.

[2] : Région – Département – Commune pour la France et Land – Landkreis – Gemeinde pour l’Allemagne.

[3] : « La France enfin forte de ses Régions » Gualino éditeur 2002.

[4] : Sciences-Po Strasbourg (SP) 1979

[5] : Cf « La décentralisation dans les Etats de l’Union européenne » à La Documentation française 2002 (pages 27 à 50).