Selon Le Figaro, le président Macron a déclaré dimanche 20 juin : « Cette démobilisation confirme la nécessité d’engager une profonde réforme institutionnelle…»
Finalement ce niveau d’abstention jamais atteint en France (2 électeurs sur trois ne se sont pas déplacés pour aller voter), malheureusement confirmé au deuxième tour des élections régionales et départementales, aura peut-être des conséquences positives.
Les appels nombreux à aller voter, lancés par des hommes et des femmes politiques de tous bords n’ont pas été efficaces. A la suite de ce désastre démocratique, on peut imaginer que l’exécutif songe à la nécessité de revenir sur cette réforme calamiteuse des grandes Régions et d’achever enfin une décentralisation cohérente et pérenne dont le pays a un besoin urgent. Un mal pour un bien en quelque sorte !
Depuis les lois Deferre de 1982, on ne peut que constater que la décentralisation en France se passe mal car les deux éléments essentiels qui lui manquent, sont :
- Existe-t-il une doctrine politique solide et assez claire, de préférence consensuelle, transcrite dans une théorie et des institutions juridiques ou bien est-ce du bricolage caché derrière de la phraséologie ?
- Le système est-il cohérent par un ajustement raisonné des quatre composantes que sont les territoires, les compétences, les ressources (financières, ressources humaines et biens) et la gouvernance politique ?
Tant que nous n’aurons pas répondu clairement à ces deux questions, il ne faut pas espérer que nos concitoyens se mobilisent pour des élections régionales et départementales dont ils ne comprennent ni les enjeux ni les compétences des collectivités concernées.
La France est un État unitaire centralisé qui fonctionne de cette façon depuis des lustres mais aujourd’hui comme le déclarait le général de Gaulle en 1968 : « L’effort multiséculaire de centralisation qui fût longtemps nécessaire pour maintenir l’unité de la France malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain ».
Au regard des différentes réformes territoriales engagées depuis 40 ans depuis les débuts de la décentralisation, on peut émettre un doute sur la rédaction de l’article 1er de notre Constitution qui stipule que « L’organisation de la république est décentralisée ». N’aurait-il pas été plus juste d’écrire : « La désorganisation de la république est centralisée » ?
On est malheureusement en droit de se poser cette question si on fait une analyse de l’état et des pouvoirs respectifs de nos collectivités territoriales…
En Alsace, après les errements de la majorité alsacienne de 2011 à 2013 se concluant par le pitoyable échec du référendum du 7 avril 2013, nous avons la chance d’avoir enclenché un processus qui me semble prometteur avec la création de la Collectivité européenne d’Alsace, (CEA) même si ses compétences particulières demeurent confuses.
Au moins l’Alsace parle-t-elle désormais d’une seule voix et a retrouvé depuis le 1er janvier 2021 son identité institutionnelle, perdue en 2015.
Frédéric Bierry, le président sortant de la CEA a déclaré dimanche soir qu’il allait organiser à l’automne prochain, une consultation auprès des Alsaciens, en leur demandant s’ils souhaitent sortir du Grand Est.
Si cela se fait, nous serons fixés quant à la motivation des Alsaciens concernant leur avenir institutionnel et celui de la CEA par la même occasion.
On ne sait pas quel genre de consultation F. Bierry souhaite mettre en place mais il ne peut s’agir d’un référendum car le Code général des collectivités territoriales précise qu’un référendum local ne peut porter que sur un projet de texte relevant de la compétence de la collectivité concernée. La décision de sortir la CEA du Grand Est ne relève pas des compétences de la CEA mais du législateur.
Cette consultation ne peut dès lors être que consultative et indicative et ne peut en aucun cas être un référendum comme celui de 2013 sur la création du Conseil d’Alsace, si la question posée aux Alsaciens est : « Voulez -vous que la Collectivité européenne d’Alsace sorte du Grand Est ? ». Il est à souhaiter que cette consultation ne se résume pas à un vote internet comme celui sur les plaques d’immatriculations en Alsace…
Le sujet est trop important et sérieux pour être négligé. Il convient de bien concevoir la consultation, de s’y investir et surtout de la préparer consciencieusement faute de quoi la question sera définitivement enterrée.
Je mets en garde cependant les promoteurs de cette initiative car si on n’explique pas aux Alsaciens (comme ce fut le cas en 2013) la plus-value qu’il y aurait pour eux à sortir du Grand Est pour faire évoluer la CEA vers une collectivité à statut particulier, en lui attribuant les compétences régionales, les désillusions seront au rendez-vous !
Par ailleurs, organiser cette consultation à l’automne n’est pas un bon choix car cela laisse trop peu de temps après les vacances d’été pour ce travail d’explication qui ne peut être fait que sur le terrain en impliquant les élus locaux (Maires et Conseillers départementaux) comme animateurs autour de tables rondes et d’ateliers thématiques composés de citoyens. C’est la démocratie participative, mais il faut y consacrer du temps, beaucoup de temps.
N’oublions pas non plus qu’à l’issue de ce deuxième tour, les partisans du Grand Est se sont exprimés majoritairement, même en Alsace.
Je doute qu’une question institutionnelle puisse mobiliser les abstentionnistes alsaciens si on les laisse livrés à eux-mêmes avec de simples slogans comme en 2013…