Au-delà de la simple communication politique

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Dans Décryptage politique

Beaucoup de listes ont fait campagne lors des dernières élections régionales et départementales sur le thème « Sortons du Grand Est ! ».
C’était un angle d’attaque simple et séduisant de prime abord mais quand on y réfléchit un peu, c’était un chemin ardu.
Pourquoi ?
Parce qu’il aurait fallu d’abord convaincre avant d’espérer mobiliser les électeurs. Il fallait expliquer quelle est la moins-value du Grand Est et la plus-value pour eux d’en sortir.
En prenant ce thème de campagne, on met en avant un sujet auquel le citoyen ne comprend pas grand-chose.
Si vous voulez en avoir la preuve, faites un sondage et demandez autour de vous quelles sont les compétences des Régions et quelles sont celles des Départements et vous aurez une idée d’où il faut partir avec une telle approche. La situation est encore plus complexe en Alsace avec la création depuis le 1er janvier dernier de la Collectivité européenne d’Alsace en lieu et place des deux Départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. Au cours du même sondage, demandez aux Alsaciens s’ils savent ce qu’est cette nouvelle collectivité alsacienne…
La difficulté réside dans le fait que les électeurs sont habitués à se prononcer pour un parti politique, un individu ou une liste politiquement identifiée. Mettre en avant simplement la sortie du Grand Est ne peut que les troubler si on ne leur explique pas correctement pourquoi et comment faire.
Ce qui s’est passé en 2013 avec le référendum sur le Conseil d’Alsace devrait servir de référence en la matière.
Alors que les socio-professionnels du CESA (Conseil économique et social d’Alsace) avaient mis 4 ans pour rédiger leur avis du 4 juin 2007 sur la gouvernance publique en Alsace qui prônait la création du Conseil d’Alsace en regroupant les trois collectivités alsaciennes et leurs compétences, alors que les élus alsaciens avaient mis 2 ans à se mettre à peu près d’accord sur un schéma institutionnel, on avait demandé aux Alsaciens de s’approprier le sujet en 10 semaines !
Dix semaines d’une campagne très « troisième république » imaginée par les promoteurs du projet et composée d’une multitude de réunions publiques, de communication, de tracts et de la distribution d’une brochure luxueuse de quatre pages. Bref une campagne électorale classique.
Les sondages étaient au zénith avec les trois quarts des Alsaciens interrogés se disant favorables au projet.
On en a vu le résultat, avec une mobilisation de seulement un tiers des électeurs et les Haut-Rhinois qui ont voté non, envoyant ainsi aux oubliettes un débat vieux de 30 ans…
Personne ne s’était inquiété de savoir si les électeurs allaient se déplacer pour voter. Comment auraient-ils pu le faire puisque personne, n’avait réussi à démontrer la plus-value du Conseil d’Alsace pour les Alsaciens. Tout ce qui leur restait en mémoire la veille du scrutin c’était la querelle du siège ainsi qu’un schéma d’apparence complexe et inexpliqué 1.
Nous étions lors de ces dernières élections, dans la même configuration. Les listes qui ont mis en avant la sortie du Grand Est ont fait une campagne classique comme celle de 2013, l’échec était assuré et la participation a été très faible.
Ce qu’il aurait fallu, c’était une campagne de terrain non pas sur la seule Alsace mais également sur tout le Grand Est compte tenu du mode de scrutin. Une campagne faite de tables rondes, d’ateliers thématiques conduits par des animateurs formés et disposant de kits de campagne composés de fiches explicatives, argumentées et convaincantes. Des échanges de vive voix avec tous les éléments montrant la pertinence de la démarche. Solliciter l’implication des élus locaux de terrain que sont les maires et les Conseillers départementaux etc…
C’est un énorme travail. C’est long. C’est lent. Une bonne démocratie participative ne peut être que lente. Vu la complexité du thème et la connaissance qu’en ont les citoyens, c’est un passage obligé. C’est ce qui n’a pas été fait en 2013 et c’est ce que nous devons bien avoir en mémoire aujourd’hui.
Les forces en présence n’ont pas imaginé ni mis sur pied une telle campagne de terrain. Du reste, les conditions sanitaires rendaient impossible la tenue de réunions et de rencontres électorales de même que le temps imparti, obéraient totalement une telle perspective.
Ne restait comme possibilité, qu’une campagne qui fut de communication, sur les réseaux sociaux et le web. En définitive, rien qui puisse contribuer à éclairer le citoyen…

Notes

[1] : Cf « L’Alsace malgré elle : dans les coulisses des réformes territoriales » aux Éditions de la Nuée Bleue, pages 179-230.